en
fr
es

Cour de justice de l’Union Européenne, Gerhard Schultz-Hoff c. Deustche Rentenversicherung Bund et Stringer e.a. c. Her Majesty’s Revenue and Customs (demandes de décision préjudicielle introduites par le Landesarbeitsgericht Düsseldorf (Allemagne) et House of Lords (Royaume-Uni)), 20 janvier 2009, affaires jointes C-350/06 et C-520/06

Cours:
Cour de justice de l’Union européenne
Sujet:
Temps de travail
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit de l’Union européenne à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Convention de l’OIT1

Conditions de travail/ Aménagement du temps de travail/ Directive 2003/88/CE / Droit au congé annuel payé/ Congé de maladie/ Congé annuel coïncidant avec un congé de maladie/ Indemnisation pour congé annuel payé non pris à la fin du contrat pour raison de maladie/ Interprétation du droit de l’Union européenne à la lumière du droit international

Un travailleur allemand et deux travailleurs britanniques, l’un reconnu gravement handicapé, les autres ayant été malades, avaient fait l’objet d’arrêts de travail pendant plusieurs mois pour maladie. N’ayant pas pu prendre au cours des périodes de référence concernées leurs congés payés annuels, ils avaient réclamé une indemnité pour congés payés non pris. Confrontés au refus de leurs employeurs respectifs, ils avaient saisi la juridiction compétente de leur pays afin d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de cette indemnité. Leurs demandes ont été rejetées au motif que le droit interne de chacun des États concernés ne permettait pas une telle indemnisation. Les dispositions nationales allemandes et britanniques prévoient en effet que les congés payés légaux doivent être pris pendant l'année en cours, sans qu’aucune compensation ne soit possible à la fin de la relation de travail par une indemnisation financière.

Saisie de trois questions préjudicielles par le Landesarbeitsgericht Düsseldorf (Allemagne) et le House of Lords (Royaume-Uni) sur l'interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, la Cour de Justice de l’Union européenne s’est appuyée sur la convention n° 132 de l'OIT.

Affirmant que la directive 2003/88 , dans son sixième considérant, avait tenu compte des principes de l’Organisation Internationale du travail en matière d’aménagement du temps de travail,2 la Cour s’est référée à l'article 5 paragraphe 4 de la convention n° 132 de l’OIT concernant les congés payés annuels. Elle a ensuite interprété la directive à la lumière de ces dispositions de la convention n° 132 en déclarant que, s'agissant des travailleurs en congé de maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par la directive 2003/88 elle-même à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un État membre à l’obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit État.3

Le recours à la convention n° 132 de l'OIT comme source d’interprétation de la directive a conduit ainsi la Cour de Justice des Communautés Européennes à dire pour droit:

-         que l’article 7 §1 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé s’éteint à l’expiration de la période de référence et/ou d’une période de report fixée par le droit national même lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et que son incapacité de travail a perduré jusqu’à la fin de la relation de travail, raison pour laquelle il n’a pas pu exercer son droit au congé annuel payé,

-         que l’article 7 §2 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que, lors de la fin de la relation de travail, aucune indemnité financière de congé annuel payé non pris n’est payée au travailleur qui a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et/ou d’une période de report, raison pour laquelle il n’a pu exercer son droit au congé annuel payé. Pour le calcul de ladite indemnité financière, la rémunération ordinaire du travailleur, qui est celle qui doit être maintenue pendant la période de repos correspondant au congé annuel payé, est également déterminante.


1 Convention (n°132) de l’OIT sur les congés payés, 1970 (ratifiée par l’Allemagne le 10 octobre 1975).

2 Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Considérant n°6- Il convient de tenir compte des principes de l’OIT en matière d’aménagement du temps de travail, y compris concernant le travail de nuit.

3 Les conclusions de l’Avocat Général Mme Verica Trstenjak présentées le 24 janvier 2008 soulignent :

- que si la Communauté européenne n’est pas membre de l’Organisation internationale du travail, tous ses États Membres le sont,

- que, compte tenu de la référence dans le sixième considérant de la directive aux principes de l’OIT, il est indispensable d’interpréter la directive en tenant compte des principes essentiels de la Convention n° 132 de l’OIT, celle-ci fixant des standards internationaux de référence dans le domaine du droit du travail.

Texte intégral de la décision