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Cour constitutionnelle, 14 mai 2008, décision C-465/08

Constitution nationale de Colombie

Article 53

(...) Les conventions internationales du travail, dûment ratifiées, font partie de la législation nationale (…).

Article 93, paragraphe 1

Les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation lors des états d’exception, prévalent dans l’ordonnancement juridique interne.

Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte s’interprètent conformément aux traités internationaux sur les droits de l’homme ratifiés par la Colombie.

Pays:
Colombie
Sujet:
Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité ratifié;1 travaux des organes de controle internationaux2

Liberté syndicale/ Conditions pour apporter des modifications aux statuts des syndicats/ Interdiction d’une autorisation préalable pour la constitution d’un syndicat/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international

Dans l’exercice de l’action publique d’inconstitutionnalité, trois citoyens ont accusé les articles 370 et 371 du Code du travail de bafouer la Constitution nationale et les conventions de l’OIT nos 87 et 98.

Les articles incriminés établissaient d’une part que pour que des modifications aux statuts d’un syndicat entrent en vigueur, il fallait que l’organisation syndicale enregistre ces modifications auprès du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, et de l’autre que tout changement, partiel ou complet, au sein du comité directeur d’un syndicat devait être communiqué à l’employeur et à l’inspecteur pour qu’il prenne effet.

Pour appuyer sa décision, la Cour est partie de l’hypothèse que, conformément à ce que stipule l’article 53 de la Constitution, toutes les conventions de l’OIT qui ont été dûment ratifiées s’intègrent à la législation nationale et que, en accord avec l’analyse de la jurisprudence, certaines conventions de l’OIT font partie du bloc de constitutionnalité et constituent par conséquent des paramètres pour réviser la constitutionnalité des normes légales, comme c’est notamment le cas de la convention n° 87 de l’OIT.

La Cour a noté qu’il existait une contradiction au sein du Code puisque, alors que l’article 369 exige que toute modification des statuts des syndicats soit enregistrée auprès du ministère, qui peut les accepter, s’y opposer ou les refuser, l’article 370 précise que les modifications des statuts doivent simplement être déposées auprès du même ministère. Selon la Cour, cette contradiction est liée à un décalage d’interprétation de la précédente législation et elle a reconnu que le risque existe que l’obligation de dépôt fasse office de contrôle administratif préalable. S’appuyant sur la convention n° 87 et sur plusieurs principes directeurs issus de commentaires du Comité de la liberté syndicale de l’OIT, la Cour a estimé que l’article 370 du Code du travail est constitutionnel, mais à la condition qu’il exclue toute interprétation qui transforme le dépôt en une autorisation préalable administrative. Quant à l’article 369 et à sa contradiction avec l’article 370, la Cour a estimé que la norme antérieure devait prévaloir, à savoir, l’article 370 et par conséquent, le dépôt auprès du ministère suffit en cas de modification de statuts.

Voici ce qu’a décidé la Cour:

« L’exercice des activités syndicales ne peut être sujet à un enregistrement équivalent à un contrôle préalable de la part d’une autorité administrative qui pourrait refuser une telle inscription. D’un point de vue fonctionnel, cette faculté s’apparente à une « autorisation préalable » pour la constitution d’un syndicat, une condition qui est expressément interdite par l’article 2 de la convention n° 87 de l’OIT. Il est donc important de tenir compte de ce que le Comité de la liberté syndicale de l’OIT a établi, à savoir que s’il est possible d’imposer certaines formalités en vue de la création d’organisations syndicales, elles ne peuvent constituer un obstacle à leur mise en place […]. »3

En ce qui concerne le second article mis en cause (article 371), la Cour a estimé que l’obligation d’informer le ministère du Travail et de la Protection sociale et les employeurs des changements au sein des comités directeurs des syndicats avait pour objet de faire connaître les décisions prises au sein de l’organisation pour qu’elles puissent être opposables devant des tiers, par exemple pour des sujets comme l’immunité syndicale:

« […] Du point de vue des droits constitutionnels à la liberté d’association et de liberté syndicale, la réponse appropriée est que l’immunité s’applique dès que la première notification est effectuée. Donc, si la première partie avertie est l’employeur, celui-ci a l’obligation de respecter l’immunité syndicale des nouveaux dirigeants à partir du moment même où l’information lui est communiquée. Et dans le cas où c’est le ministère qui est averti en premier lieu, il doit immédiatement communiquer l’information à l’employeur. »4

Vu tout ce qui précède, la Cour a confirmé la constitutionnalité de la règle, mais sujette à deux conditions: la communication au ministère des changements effectués au sein du comité exécutif d’un syndicat revêt exclusivement une fonction de publicité et l’immunité syndicale prend effet immédiatement après la première communication.


2 Comité de la liberté syndicale de l’OIT

3 Paragraphe 11 de la décision.

4 Paragraphe 21 de la décision.

Texte intégral de la décision