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Cour d'appel de Bobo-Dioulasso Chambre sociale, M.M. Karama et Bakouan c. la société industrielle du Faso (SIFA), 5 juillet 2006, n° 035

Constitution du Burkina Faso

Article 151

Les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.

Pays:
Burkina Faso
Sujet:
Droit de grève
Type d’utilisation du droit international:
Interprétation du droit national à la lumière du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité ratifié;1 travaux des organes de contrôle internationaux2

Grève générale/ Légalité de la grève/ Référence à la convention n° 87 de l'OIT/ Interprétation des dispositions du droit national à la lumière de la convention n° 87 de l'OIT et du drit international

À l'initiative de plusieurs centrales syndicales du Burkina-Faso, un préavis de grève de 48 heures des travailleurs du secteur public et du secteur privé avait été déposé auprès du Chef de l'État et du Directeur général de l'Emploi, du travail et de la sécurité sociale en vue d'une grève sur toute l'étendue du territoire national. Bien que le préavis ait été notifié à leur employeur, deux travailleurs du secteur privé avaient été licenciés pour avoir participé à cette grève.

Le tribunal du travail de Bobo-Dioulasso ayant déclaré les licenciements légitimes, ces travailleurs ont saisi la Cour d'appel devant laquelle ils ont fait valoir que la grève dans le secteur privé était une grève de solidarité qui tirait sa légalité de la grève du secteur public dont elle était solidaire. L'employeur a prétendu au contraire que les dispositions du code du travail prohibaient dans le secteur privé toute grève qui ne s'inscrivait pas dans le cadre de l'entreprise et, qu'en l'espèce, la grève, qui était mue par des motifs extérieurs à l'entreprise, était illicite.

La Cour d'appel, après avoir constaté que la grève était une grève générale nationale concernant tous les secteurs et comprenant un certain nombre de revendications liées aux salaires, aux impôts et aux droits des travailleurs, s'est référée à la convention n° 87 de l'OIT. Expliquant le fondement de son raisonnement, elle a rappelé, d'une part, que :

«Le principe de l'interprétation conforme permet de présumer que le législateur n'a pas violé ou ne veut pas violer l'esprit des traités internationaux qu'il a ratifiés »,

d'autre part :

«Que le juge a la possibilité de se référer auxdits instruments internationaux et aux commentaires des experts en cas de contradictions, insuffisances, lacunes ou recul par rapport à l'avancée préconisée dans les traités ».

Faisant application de ces principes, la Cour d'appel a considéré que la grève, qui était une grève générale fondée sur des intérêts professionnels et économiques et visant la recherche de solutions à des questions de politiques sociales, était légitime et licite conformément aux affirmations du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'Administration du Bureau International du  Travail dans le Recueil de décisions et de principes.3

Elle a ensuite jugé que, bien que le législateur national n'ait pas expressément prévu de mécanisme de déclenchement de grève dans ce cas de figure, la grève ainsi déclenchée dans le secteur privé tirait sa légalité de celle déclenchée dans le secteur public en conformité avec la loi nationale. Pour conforter cette analyse, elle s'est référée à nouveau aux affirmations du comité de la liberté syndicale du Conseil d'Administration du BIT 4 en relevant, qu'en l'espèce, aucune juridiction ni aucun organe indépendant de l'Administration partie concernée à la grève n'avait été saisi pour apprécier sa légalité ou son illégalité.

Interprétant ainsi les dispositions du droit national en matière de grève à la lumière de la convention ° 87 de l'OIT et du Recueil du Comité de la Liberté syndicale, la Cour d'appel a ainsi jugé la grève légitime et légale et a déclaré abusif le licenciement de chacun des demandeurs.


1 Convention (n°87) de l'OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

Texte intégral de la décision