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Cour constitutionnelle, 9 juillet 2008, décision C-695/08

Constitution nationale de Colombie

Article 53

(...) Les conventions internationales du travail, dûment ratifiées, font partie de la législation nationale (…).

Article 93, paragraphe 1

Les traités et conventions internationaux, ratifiés par le Congrès, reconnaissant les droits de l’homme et interdisant leur limitation lors des états d’exception, prévalent dans l’ordonnancement juridique interne.

Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte s’interprètent conformément aux traités internationaux sur les droits de l’homme ratifiés par la Colombie.

Pays:
Colombie
Sujet:
Liberté syndicale
Type d’utilisation du droit international:
Résolution directe du litige sur le fondement du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité ratifié;1 non soumis à ratification2

Liberté syndicale/ Conditions de l’exercice des activités syndicales/ Interdiction d’une autorisation préalable pour la constitution d’un syndicat/ Résolution directe du litige sur le fondement du droit international

Il a été demandé à la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité des articles 371, 372 et 391 du Code du travail dans la mesure où plusieurs citoyens estimaient que ces dispositions bafouaient la Constitution nationale et la convention de l’OIT n° 87 (notamment, ses articles 2, 3 et 8). La Cour ne s’est toutefois prononcée que sur l’article 372, s’appuyant sur le principe de la chose jugée (rez judicata) pour les autres articles qui avaient déjà été traités.

L’article 372 du Code du travail prévoit qu’aucun syndicat ne peut agir comme tel, ni exercer des fonctions et des droits que la loi et ses statuts prévoient tant qu’il n’a pas enregistré son acte constitutif au ministère du Travail et de la Protection sociale.

La Cour a débuté son analyse par l’article 39 de la Constitution de Colombie qui garantit le droit à la liberté d’association sans intervention de l’État et a fait coïncider cet article avec différentes normes internationales comme la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et la Convention de l’OIT n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. À la suite de cette étude, la Cour a conclu que le droit d’association syndicale constitue un droit fondamental et que ce dernier contient d’autres droits et libertés comme la liberté de s’affilier ou de renoncer à son adhésion, la faculté de former et d’organiser structurellement et fonctionnement lesdites organisations et de les considérer automatiquement comme des personnes juridiques, sans ingérence, intervention ou restriction de l’État.

La Cour a ensuite fait référence au bloc de constitutionnalité que composent le texte de la Constitution et ces normes et ces principes qui, bien que n’apparaissant pas formellement dans le texte, servent de paramètres pour contrôler la constitutionnalité des lois. La Cour a reconnu que la convention de l’OIT n° 87 appartient à ce bloc. De sorte que la Cour a comparé la législation incriminée (l’article 372 du Code du travail) à l’article 39 de la Constitution, aux articles 2, 3 et 8 de ladite convention et à d’autres normes internationales, et a d’abord remarqué qu’il est valide que la loi établisse des restrictions puisque, au niveau de l’autonomie reconnue aux syndicats, il n’est pas exclu qu’ils doivent respecter la légalité.

Ensuite, la Cour s’est emparée du texte constitutionnel et de l’article 2 de la convention de l’OIT n° 87 pour clarifier le fait que les syndicats existent juridiquement de façon valide sur base de leurs statuts, sans intervention ni autorisation préalable de la part de l’État, grâce à une déclaration de volonté collective qui, par obligation constitutionnelle, doit consister en un acte à inscrire dans le registre correspondant. Pour la Cour, cette obligation s’inscrit dans la légalité que doivent respecter les personnes et les organisations syndicales, et elle a rappelé qu’à propos des tiers, la déclaration de volonté de constituer un syndicat produit des effets juridiques dès sa communication.

« Il s’agit de l’effet même du principe de publicité qui a avant tout un fondement rationnel, à savoir que de façon générale, les actes juridiques ne produisent des effets qu’à partir de leur connaissance, réelle ou supposée, chez les destinataires […].

Dans cet ordre d’idées, l’expression « sa reconnaissance juridique [du syndicat] se fera par la simple inscription de l’acte de constitution », de l’article 39 de la Constitution, doit être interprétée en harmonie avec le principe de publicité dans le sens que cette reconnaissance ne consiste pas à l’octroi d’une personnalité juridique au syndicat, ni à un acte déclaratif de son existence de la part de l’État, mais bien à l’opposabilité ou la production des effets juridiques de ladite constitution envers l’État en tant que tiers […]. »3

Dans cet ordre d’idées et sachant que l’article 372 pourrait être interprété dans le sens où l’inscription de l’acte constitutif du syndicat auprès du ministère du Travail et de la Protection sociale est une obligation pour que le syndicat existe ou soit valable, violant ainsi l’article 39 de la Constitution nationale et l’article 2 de la convention de l’OIT n° 87, la Cour a déclaré la règle contestée applicable pour autant que l’inscription revêt exclusivement une fonction de publicité et n’autorise pas le ministère à exercer un contrôle préalable sur le contenu de l’acte constitutif.


1 Convention (n° 87) de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; Convention américaine relative aux droits de l'homme; Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels (« Protocole de San Salvador »).

2 Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948.

3 Paragraphe 21 de la décision.

Texte intégral de la décision