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Tribunal industriel du Botswana, Mpho C. Ganelang c. Tyre World Ltd., 10 juin 2013, affaire n° IC 169/13

Pays:
Botswana
Sujet:
Licenciement
Type d’utilisation du droit international:
Création par le juge d’un principe inspiré du droit international
Type d’instruments utilisés:

Traité non ratifié;1 travaux des organes de contrôle2

Licenciement implicite/ Création par le juge d’un principe inspiré du droit international

La demanderesse travaillait pour l’entreprise défenderesse en tant que directrice de la filiale de Serowe et, ultérieurement, de la filiale de Lobatse. Elle a ensuite été transférée à la filiale de Gaborone sans connaître la nature du poste qu’elle occuperait. Une fois installée, la demanderesse a été informée par écrit qu’elle serait responsable du nettoyage des sanitaires et que ce changement de poste n’affecterait en rien son salaire. Elle a remis sa démission sur la base de cette modification de fonctions, soulignant que ce changement de relation de travail était une forme de licenciement implicite puisqu’elle aurait continué à travailler pour l’entreprise si ses fonctions n’avaient été modifiées. Elle a introduit une demande d’indemnisation équivalente à 12 mois de salaire.

Afin de déterminer s’il était effectivement question d’un cas de licenciement implicite et, par conséquent, si la demanderesse avait droit à une indemnisation, le Tribunal s’est référé à la convention n° 158 de l’OIT – bien que celle-ci n’ait encore été ratifiée par le Botswana – ainsi qu’à l’étude d’ensemble du Comité d’experts de l’OIT sur la protection contre le licenciement injustifié,3 indiquant que:

« Du fait de sa compétence en matière d’équité, le Tribunal peut se baser sur la convention n° 158 pour se prononcer sur l’affaire. En effet, la Cour d’appel a estimé que le Tribunal pouvait procéder de la sorte puisque, à travers sa compétence en matière d’équité, il peut appliquer les normes internationales du travail pour l’aider à statuer sur des points litigieux (…)

Dans aucun des 27 articles de fond, la convention n° 158 ne fait référence ou n’utilise le terme « licenciement implicite ». Cela signifie-t-il pour autant que cette convention ne couvre pas les cas de licenciement dont la responsabilité est à faire porter au défendeur (l’entreprise)?

L’article 3 stipule que: « Aux fins de la présente convention, le terme licenciement signifie la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur. »

(…) Au paragraphe 22 de l’étude d’ensemble, la position adoptée par le comité d’experts est présentée comme suit: « Certains changements décidés par l'employeur, qui concernent notamment les conditions d'emploi mais n’obéissent pas à de réels impératifs de fonctionnement, peuvent constituer pour le travailleur des pressions tendant à ce qu'il accepte ces changements pour ne pas s'exposer à être sanctionné pour non-respect des instructions données, ou à ce qu'il renonce à son emploi. Il est donc nécessaire de pouvoir vérifier si l'on n'est pas en présence d'un licenciement déguisé ou d'une véritable cessation de la relation provoquée par l'employeur, au sens de la convention, car, autrement, le travailleur concerné, de facto ou de jure, est exclu indûment de sa protection. »

(…) Si les conditions de travail imposées par l’employeur sont tellement insupportables que le travailleur se voit forcé de démissionner, l’employeur est coupable de ce que l’on appelle dans certains pays un « licenciement implicite », et le travailleur peut intenter une action en justice comme s’il avait été licencié (…).4

Comte tenu de ce qui précède, des dispositions de la convention n° 158 ainsi que de l’étude d’ensemble de 1995 du comité d’experts de l’OIT, le Tribunal a conclu qu’il s’agissait bien d’un licenciement implicite et que, par conséquent, la demanderesse avait le droit d’obtenir une indemnisation équivalente à huit mois de salaire pour licenciement abusif et 640 000 pula du Botswana (BWP) pour le traitement inéquitable dont elle a été victime.


1 Convention (n°158) de l’OIT sur le licenciement, 1982.

2 Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT.

3 OIT: Étude d’ensemble sur la protection contre le licenciement injustifié de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 82e session, Genève, 1995.

4 Pages 10, 11 et 12 de la décision.  

Texte intégral de la décision